Inferno. S&P Stanikas

Ouverture d’une nouvelle exposition au Studio national des arts contemporains Le Fresnoy : Never Dance alone /1. Ce titre évoque la fonction originelle du bâtiment (réhabilité et transformé par l’architecte Benard Tschumi à la fin des années 1990). En effet, lorsque l’industrie textile était florissante à Roubaix, Le Fresnoy était un lieu de divertissement populaire très prisé : cinéma, dancing, brasseries, piste de patin à roulettes, petit restaurant, manège de poneys pour enfants, etc. D’après les souvenirs des uns et des autres, nombre de couples se seraient formés sur ses pelouses...

C’est ce à quoi l’exposition rend hommage à travers son thème : la relation à l’autre, sous toutes ses formes, « dans l’observation, l’interprétation et la transposition de nos actions et de nos gestes ». Thème inépuisable, allant de l‘amour à la haine, interrogeant également l’existence des frontières entre réel et imaginaire, conscient et inconscient. Les œuvres présentées sont d’une part issues de la collection du FRAC Nord-Pas-de-Calais, d’autre part de la production des artistes ayant séjourné au Fresnoy : une enrichissante confrontation d’époques, d’approches et de médias – dont plus de vingt vidéos.

Parmi elles, Inferno, réalisée par les deux artistes lituaniens Svajone Stanikiene et Paulius Stanikas, provoque une vive émotion. Ce couple originaire de Vilnius nous entraîne dans un carrousel mêlant si intimement vie, sexe et mort, passé, présent et futur que l’on se trouve happé dans une transcription du monde où il n’y plus ni proche ni lointain, mais des intensités de présence – ou d’absence –, ici et là, des corps abandonnés à leur réalité fragile, plaisir et douleur infiniment mêlés.

Pas de zapping, tout au contraire : c’est la caméra qui est en mouvement, toujours, décrivant des volutes autour des êtres et des choses, les approchant parfois au plus près, jusqu’à épuisement de la matière et des sens, ou s’en éloignant pour les rendre à un environnement qui les redensifie et les dramatise.

Ce travail subtil, tant de suggestion que d’association, relève indéniablement de la poésie. Pas d’autre récit que celui qui s‘écrit peu à peu en nous, en une dérive de pensées et de sentiments portés par l’envoûtante musique de Noel Koch. On est bouleversé par la beauté de chaque séquence, quel qu'en soit l'objet ou le sujet, comme si cette perfection portait en elle-même une forme de rédemption. Peut-être est-ce là le cœur du propos, le don, la grâce de ce moment d'équilibre fortuit qu'est la vie, et ce qu'on en fait : tension et quête de corps habités par cette danse de désirs et de peines, avec l'amour pour seule délivrance. Des explosions de lumière, entre sourires et larmes.